vendredi 21 mai 2010

Chantal Jouanno, une ministre qui ne pratique pas la langue de bois!

Je suis heureuse de publier sur mon blog l'interview accordée au Monde par Chantal Jouanno, ma Collègue au Conseil régional, sur le Grenelle de l'Environnement.
Une ministre courageuse, qui affirme ses convictions, et qui fait honneur à Paris.
La Génération Sarkozy est en forme.


Chantal Jouanno : "Il faut maintenant un Grenelle 3"
LE MONDE 20.05.10

Chantal Jouanno, 41 ans, est secrétaire d'Etat à l'écologie depuis janvier 2009, après avoir été la conseillère de Nicolas Sarkozy pour le développement durable. Appréciée des écologistes, elle a défendu, avec le ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo, la loi Grenelle 2 à l'Assemblée nationale, prenant position contre son propre camp sur certains dossiers.

La loi Grenelle 2 a été adoptée par l'Assemblée nationale le 11 mai. L'opposition vous reproche des "reculs"…
Il ne faut pas tomber dans la caricature. La loi n'est pas en recul par rapport à l'existant, c'est une avancée énorme. Le problème de l'écologie, c'est qu'on ne la juge que sur des symboles : les OGM, les pesticides, la taxe carbone… Avec Jean-Louis Borloo, nous demandons à être jugés sur les résultats, le nombre d'éoliennes implantées, le nombre de produits phytosanitaires retirés du marché… Maintenant, la balle est dans notre camp. A nous de mettre en œuvre le Grenelle sur le terrain. Le drame français, c'est qu'on croit que quand on a voté une loi, la messe est dite. Au contraire, tout commence maintenant. Il faut que les élus se saisissent du Grenelle. C'est pour ça que je vais reprendre mon tour de France pour aller "vendre" le Grenelle sur le terrain.

Etes-vous satisfaite, ou déçue, du texte adopté ?
On ne peut pas dire que c'est 100 % de ce qu'on voulait. C'est normal, c'est la démocratie. Mais le bilan global est positif. Avec les dispositions sur le bâtiment, la biodiversité, l'agriculture, l'eau, les risques, on a de quoi avancer. Sur certains sujets, on aurait pu aller plus loin, c'est vrai. J'ai toujours été réservée sur l'application du régime des installations classées pour la protection de l'environnement aux éoliennes, car ce ne sont pas des installations à risque. J'étais favorable à la possibilité d'expérimenter des péages urbains. Sur l'étiquetage environnemental, on aurait pu passer toute de suite à l'obligation sur certains produits.

Le contexte économique et politique n'est-il pas devenu défavorable aux ambitions écologiques ?
Ce sera moins simple qu'avant la conférence de Copenhague sur le climat . A l'époque tout était "vert", il n'y avait pas une voix discordante. Cela ne pouvait pas durer. Je ne suis pas favorable au consensus absolu sur l'écologie, car seules les modes sont consensuelles. Heureusement qu'il n'y a pas une pensée unique sur le sujet, sinon on entrerait dans une dictature technocratique. L'écologie doit rester un sujet politique, qui questionne notre organisation de la société.

En 2007, Nicolas Sarkozy parlait de "New Deal", l'écologie devait être placée au cœur de toutes les politiques publiques. Cette ambition a-t-elle été abandonnée ?
Certainement pas par le président de la République, qui a pris énormément de risques sur ce sujet. Dans le Grenelle, il y avait les mesures techniques, et les grands principes. La loi Grenelle 2 est la traduction des différents engagements techniques. En revanche, sur les principes, il y a encore à faire. La logique serait de rentrer dans un Grenelle 3.

Quel serait son contenu ?
Le premier sujet concerne les suites à donner au rapport Stiglitz sur la mesure de la performance économique et du progrès social. Je voudrais que nous soyons le premier pays à utiliser ces indicateurs. L'enjeu, c'est la révision de l'ensemble de notre modèle de croissance, qui ne prend pas en compte la finitude des ressources. Il faut également évaluer l'impact de notre modèle de développement sur le long terme, et sur les inégalités.
Enfin, la généralisation de la décision à cinq [Etat, collectivités locales, patronat, syndicats, ONG] n'a pas encore eu lieu. Les enjeux de long terme impliquent un nouveau modèle de démocratie et de participation du public. On a réformé le conseil économique et social, et mis en place un comité de suivi du Grenelle, mais ce n'est pas suffisant.

Ne craignez-vous pas que les arbitrages budgétaires se fassent au détriment des mesures "vertes" ?
Le gouvernement s'est engagé à revoir les niches fiscales. Tout le monde est concerné. A nous de justifier, pour chaque dispositif existant, qu'il s'agit d'un investissement qui va permettre de créer de l'emploi, ou de réduire la facture énergétique, pas une dépense.

La rumeur sur vos relations avec le président, des élections régionales difficiles en Ile-de-France, des remontrances lorsque vous vous êtes dit "désespérée" après l'abandon de la taxe carbone… Quel bilan tirez-vous de cette période difficile ?
J'ai eu un apprentissage accéléré, avec un beau tir groupé à partir de mars [rires]. Ce que j'en retiens, c'est que la politique est l'un des rares endroits où on a l'autonomie nécessaire pour faire les choses. Même si on veut 100 et qu'on obtient que 50, c'est tout de même 50. Quant aux attaques, il faut s'y faire, c'est plutôt quand on n'est pas attaqué qu'il faut s'inquiéter.

Avez-vous pâti de votre liberté de ton ?
Elle est inhérente à ma façon de faire de la politique. Il ne faut surtout pas se taire. On attend d'un politique qu'il soit convaincu. Après, c'est normal de se faire reprendre, chacun est dans son rôle.

Les jeunes ministres femmes se sont fait rappeler à l'ordre sur la solidarité gouvernementale. Y-a-t-il un conflit de génération, un problème de machisme ?
Sur la taxe carbone, ce n'était pas une question de solidarité gouvernementale. Je n'ai insulté personne. J'ai appris la décision dans la presse, alors que je venais de faire un tour de France pour défendre la taxe. Ce fut une drôle de surprise ! Sur le machisme, je ne croyais pas certaines femmes politiques quand elles m'en parlaient, maintenant c'est différent.

Que pensez-vous d'une éventuelle candidature de Jean-Louis Borloo à la présidentielle de 2012, pour fédérer les voix du centre et séduire les écologistes ?
Rallier des voix au centre, pourquoi pas ? Mais dire qu'on va déléguer au premier tour la question de l'écologie à une partie du grand rassemblement présidentiel, je suis contre. C'est ce que je reproche au Parti socialiste, qui laisse depuis des années la réflexion sur le sujet aux Verts et maintenant à Europe écologie. L'écologie n'est pas un sujet à part, mais un sujet transversal qui doit pénétrer l'ensemble des autres politiques.


Propos recueillis par Gaëlle Dupont et Pierre Jaxel-Truer
Article paru dans l'édition du Monde du 20.05.10

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